De la guérilla au GUERILLART

De la guérilla au GUERILLART

L’art de la guérilla qui décida du sort de maints soulèvements, guerres et révolutions au cours du XXème siècle, de l’Espagne de 36 à Cuba en passant par toutes les luttes de résistance et de décolonisation, ne date pas d’hier. Il remonte à la plus haute antiquité, mais il fut historiquement initié en ce cycle de violence qui enfanta l’ère moderne, par la résistance opiniâtre des espagnols et portugais aux armées de Napoléon qui envahit leurs pays début XIXème, d’où le nom que cet art de la guerre porte de nos jours.

Guerilla signifie “petite guerre” en espagnol. II marque, dans son diminutif, la disproportion des forces en présence dans le combat, qui opposa à l’époque de petites unités mobiles natives en résistance contre une force impériale d’occupation intraitable. Typique des formes de guerre dissymétriques, cette tactique repose sur un harcèlement constant et efficace de troupes irrégulières sans ligne de front, en jouant des effets de surprise avec une forte capacité de concentration et de dispersion.

Témoignage d’un officier prussien au service de la France qui subit les sévices de ces séditieux insoumis : « lorsque nous arrivons, ils disparaissent ; lorsque nous partons, ils réapparaissent. Ils sont à la fois partout et nulle part ». La généralisation de cette tactique de lutte sur un large territoire, et l’efficacité redoutable obtenue par le général espagnol Juan Martin Diez dit “le têtu” qui mit les armées napoléoniennes en déroute en abandonnant systématiquement les batailles rangées au profit de tactiques d’attaque de son cru, la fit entrée dans l’histoire militaire. Très nette distinction avec le terrorisme, la guérilla ne s’attaque pas à des civils mais seulement à des troupes régulières.

Portrait de Juan Martin Diaz, el Empecinado, par Francisco de Goya

L’esprit de guérilla, qui se répandit partout aux XIXème et XXème siècles où la lutte opposait un faible en nombre pugnace à une forte puissance occupante régnant sans partage, déborda ensuite le monde des armes à feu pour fleurir dans le monde des arts tout court, dans la deuxième moitié du XXème siècle avec l’émergence sur les murs des villes, du Tag et du Graffiti. Ainsi naquit l’art guérilla ou “GUERRILLART”, véritable prise d’assaut en guerriero de l’espace public refusé aux invisibles, par une armée d’ombres surgissantes la nuit au cœur des villes.

Ce mouvement pris naissance dans les quartiers pauvres d’Angleterre, les premiers touchés par la crise industrielle qui frappa l’Occident dans les décennies qui suivirent la deuxième guerre mondiale, regardée ici comme le crépuscule de l’Occident. Il se développa en réaction à la mise à l’écart des ouvriers démobilisés et mis au rencard dans de sordides banlieues déshéritées. Il se propagea ensuite aux USA en accompagnement du RAP notamment, dans la zone de Détroit, frappée de plein fouet dans la foulée par la crise automobile aux USA, d’où il essaima sur la terre entière porté par les ondes et les airs.

Quelle ville aujourd’hui n’arbore pas ses sigles de résistance et de combat dans les Zones Z des habitats et au détours des rues ? A plus forte raison, les métropoles, symboles et lieux de concentration de tous les pouvoirs, encerclées de banlieues et bidonvilles dortoirs où s’entassent les déshérités de la terre.

On retrouve trace des formes et signes de la guérilla teinté de ce “noir pirate” aujourd’hui, sur le terrain social avec le mouvement des BLACK BLOC en rue, et les lanceurs d’alerte qui se font hackers sur l’internet, pour contrer les géants de la mondialisation qui promettent l’extinction de toutes les singularités pour nous faire tous entrer dans le moule du contrôle et de l’uniformité. Mutation des combats et des terrains de lutte qui témoigne de la persistance de cette idée et de ce mode de résistance depuis la nuit des temps.

Des raids de l’Odyssée dans l’antiquité, au razzia pour le Butin dans les déserts d’Arabie au VIIème siècle, en passant par l’épopée du roi David, les résistances armées à Rome aux frontières de son empire de la Judée à la Germanie, les excursions Viking et les hordes de barbares qui envahirent l’Europe à la suite, qu’elle fleurisse sous la plume de mythes et de récits ou qu’elle se notifie comme fait historique, la guérilla a toujours surgi comme mode de revendication ou de combat de petites armées déterminées contre une puissance fortement et fermement établie. C’est le mode de combat du faible en nombre et du condamné à la nuit, et le monde où se retrouvent pêlemêle aspirants à la liberté et parias en fuite.

A suivre de plus près son fil dans l’Histoire moderne, on pourra constater, que de la même manière que les idéaux libérateurs et libertaires issus du siècle des Lumières, qui ont enflammé les révolutions et mouvements sociaux fin XVIIIème et XIXème siècle dans les villes et porté la philosophie anarchiste et l’idéal d’une république égalitaire, ont d’abord été recherchés et expérimentés en mer, tout au long des XVIIème et XVIIIème siècles par les équipages et colonies flibustières et les vaisseaux et havres de pirates, qui ont fleuri un temps, sur les eaux des côtes des Antilles aux côtes de Madagascar (Libertalia, l’ile de la Tortue, etc.), l’art de la guérilla qui s’est inscrit “historiquement” dans les mémoires, en notre ère moderne par les espagnols face à Napoléon qui envahit leurs terres début 19ème comme rappelé en exergue de cet article, fut en réalité généralisée AVANT non sans efficacité, par ces pirates et flibustiers qui se mirent écumer les mers et fonder des ilots de libres et d’égaux, à partir du17ème en ces siècles de pillages et de conquêtes guerrières.

Un jalon présenté comme historique conforté par des sources que certains qualifieraient de fantaisistes, complotistes ou de “terrorisme de la pensée” selon, qui entend émettre et défendre l’hypothèse que la Liberté s’est d’abord enfantée et éprouvée au Large de terres lointaines, avant de s’implanter en Europe terrienne pour révolutionner les sociétés.

L’art de surgir de nulle part et de s’attaquer avec de petites embarcations à des mastodontes des mers avant de s’évanouir dans la brume, en jouant des effets de surprise et de mise en scène, de brandir le noir et le crane pour dire “la liberté ou la mort” et d’attribuer à chacun part égale du butin, résonnent en effet très familièrement avec l’art de la guérilla et les aspirations libertaires et anarchistes qui se développeront un siècle plus tard dans les campagnes et villes européennes.

Les attaques en mode razzia contre les vaisseaux des grandes puissances maitresses des mers, qui prenaient possession, en ce temps de genèse de la mondialisation actuelle, de tous les pays de la Terre, pour asservir les peuples et exploiter leurs richesses premières, étaient pour certains équipages, le seul et unique moyen de subsister et de faire vivre leur économies locales et isolées sur le mode d’une fraternité égalitaire qui ignoraient les races et les degrés, en des temps où les monarchies absolue et suprémaciste faisaient prévaloir une très forte hiérarchie sociale et une exploitation de la base.

En ces temps où l’esclavage et le servage était de mise, il est intéressant de noter que ces ilots de fraternité égalitaires et ces équipages étaient pour une grande part peuplés de marins de métier démobilisés, de nobles désargentés, d’aventuriers et de repris de justice en fuite et pour près de la moitié, d’anciens esclaves noirs affranchis ou révoltés.

Le Noir brandi par pirates et flibustiers, un geste de non-couleur comme un poing levé face à la supériorité de la blancheur revendiquée par les peuples européens soumis à la royauté ? Le drapeau noir, autant un acte politique qu’un geste artistique ! La mise en scène jusqu’à celle de la Terreur dans les attaques était monnaie courante chez ces flambeurs flamboyants. Ou quand l’art de la guérilla avant l’heure se faisait art tout court et BUZZ.

Barbe-Noire, l’un des fameux pirates entrés dans la légende des mers, en premier chef avait coutume de soigner ses apparitions et la communication autours de ses faits d’armes, pour semer la panique dans les rangs de ses ennemis et alimenter sa réputation. Il arborait furieusement dans les prises d’assaut, costumes extravagants, lames en tous sens, mèches enflammées dans sa barbe et lots de cranes pendant à sa ceinture qui lui donnait des airs de diable. Il profita d’un premier carnage non-maitrisé de son équipage dont il exagéra sciemment l’horreur dans la communication des faits, ne laissant aucun autre survivant que terrorisé pour en témoigner jusqu’à laisser courir le bruit qu’il était cannibale et que son équipage “de sauvages” mangeaient la chair de leur prises, pour se faire une réputation de terreur innommable dans les ports et sur les mers. A la suite de ce premier jet de flammes infernales, sa seule réputation faisait trembler les équipages de toutes les mers, et sa vie durant, il n’eut à livrer que très peu d’attaques résolument meurtrières. La plupart des vaisseaux attaqués baissaient les armes avant l’abordage à la seule vue de son enseigne rouge sang (code couleur pour signifier qu’aucune vie ne sera épargnée) surgissant à l’horizon, par crainte d’être mis en bouillie par une bande de rastaquouères en furie. Note sur la couleur des drapeaux pirates : le noir signifiait mise à sac, le rouge signifiait mise à sang. Pirates flibustiers et corsaires furent précurseurs en bien des domaines.


C’est en hommage au trésor dimagine-actions, que ces hommes qui arboraient le Noir pour couleur lors de leur montée au front nous ont légué, que nous vous proposons cette série photo reléguée en Z, de cranes rigolards et criards péchés ici et là dans des criques et des anses de la Cité corsaire, en ses parages et son Univers, à l’occasion d’un séjour pour assister au départ de voiliers vers ces rivages qui ont abrité ces pionniers de la liberté sur les mers.

Santé ! L’Univers est le nom du plus vieux café de la Cité susnommée. Il accueille sur ses murs et étagères traces de ce passé flibustier et corsaire dont quelques uns sont visibles en ces clichés. Visez et trinquez avec la Dame d’ébène à gauche comptoir si vous y mettez les pieds pour prendre un verre. Elle a traversée les mers et son regard pointe vers une toile où dansent plumes et flammèches en fête. Voyage, voyage… au delà des mers.

Des “pirates” nous ne retenons pas ici la violence meurtrière, mais l’esprit de liberté et d’insurgeance, manifesté avec joie et insolence quand il le faut, face à un monde mortifère. Et la nécessité pour tous les résistants, armée de l’ombre s’il en est, de savoir traverser le temps vêtu de noir pendant les heures sombres, où il n’est d’avenir en rose que des espoirs. Comme de surgir toujours là, où et quand l’on ne nous attend pas, pour faire retentir ses feux et faire briller ses lames de cet éclat qui ne s’oublie pas.

PIRATE de l’Art.

Vous avez dit GUERILL’ART ?
Je dis GUERRILL’ARTIST
pour faire la Nique
aux GALERY ARTISTS 😉

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MAKE ART NOT WAR !

3 thoughts on “De la guérilla au GUERILLART

  1. Wouah quelle érudition et belle “éructe diction” pour célébrer la résistance à l’oppression Je repars d’ici un peu moins con !

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