Exode

Exode

Retour dans la plaine.

J’ai quitté les monts Pyrénéens pour une halte dans la plaine côtière du Languedoc avant mon retour sur Paris. Je profite de ces quelques jours de calme pour revenir en pensée sur la lecture de l’entrée 176, “mosaïsme de pénitents”, publiée par Michel Potay, sur son blog.

J’ai pris connaissance de cette entrée 176 le jour de sa parution alors que j’étais à Arès. Elle évoque le Brexit qui préfigure l’éclatement de l’Europe politique et à terme l’éclatement de tous les grands ensembles politiques pour ramener l’Humanité vers de petites unités humaines, plus propices à l’éclosion de la liberté et la recherche du Bien.

Elle évoque Moïse, immense prophète de l’Ancien Testament qui répondant à l’Appel de Dieu, libère les Hébreux de leur esclavage et les conduit dans un Exode de 40 ans à travers le désert du Sinaï pour réveiller en eux la vie spirituelle et entamer un retour du Bonheur sur Terre. L’Exode biblique échoua. Il finit en conquête guerrière et meurtrière de Canaan (actuelle Palestine) et en fossilisation de la vie spirituelle en religion. Mais de cette expérience naquit une immense espérance et une immense perspective pour l’Humanité toute entière : la libération de tout peuple quel qu’il soit, libération à la fois politique et spirituelle.

Dans son article, Michel Potay dresse un bilan de cette expérience exilique libératrice, actualise la figure de Moïse, dépoussière l’Ancien Testament de ses mythes et rappelle que l’Exode entamé par Moïse il y a 3200 ans (et interrompu par sa descendance) est toujours d’actualité et appelle à le reprendre en empruntant les voies de la pénitence (Révélation d’Arès 30/11) : l’action de changer sa vie en Bien.

La première lecture de cette entrée a soulevé en moi un immense enthousiasme et a porté ma réflexion et ma prière pendant mon pèlerinage. Je l’ai ensuite emmenée avec moi dans les Pyrénées et j’ai profité de mes longues randonnées en altitude pour méditer sur ce nouveau départ en Exode que le prophète d’Arès nous invite à reprendre aujourd’hui avec lui. J’ai suivi sur mon téléphone portable les nombreuses interventions commentées et j’ai publié sur ma page facebook mon ressenti en écho à ces interventions.

De retour à mon clavier sur une table de travail, j’ai rassemblé mes pensées et écrit cet article (à l’origine un commentaire adressé à Michel Potay que j’ai remanié en vue de la publication sur ce blog). J’ai d’abord relu avec attention cette entrée 176 qui avait enflammé mon esprit. L’exaltation ressentie à la première lecture a fait place à la gravité. C’est désormais comme une lente coulée de lave refroidie, coulée épaisse et légère à la fois qui se dépose en moi. Elle solidifie mon pas et fait remonter dans ma tête comme un tison de fer qui aiguillonne mes pensées et perce mon regard.

Je m’arrête un instant sur la figure de Moïse-pénitent dont le prophète d’Arès nous propose une nouvelle lecture, débarrassée des lourdeurs mythologiques qui encombrent la Bible (le nouveau-né miraculeusement sauvé des eaux, les dix plaies d’Egypte, l’ouverture de la Mer Rouge… sont peut-être des allégories mais plus surement un décorum de saga qui visait à émerveiller et enjoliver le récit de cette libération). J’aime ce Moïse qu’il nous dépeint avec bon sens et simplicité : à la fois homme touché par la misère des Hébreux et prophète, aux prises avec les réalités de son temps, qui doute, hésite mais in fine, choisi d’assumer pleinement la mission que Dieu lui confie, se rend chez Pharaon et l’affronte, convainc des esclaves de le suivre et entame avec eux cet Exode que nous reprenons aujourd’hui. De tout ce qui se dégage de cette description de ce Moïse humanisé, c’est la difficulté des choix qu’il eut à faire qui m’a étreint le plus et l’immense responsabilité qui en découlait. Difficulté et responsabilité que je m’imagine sans peine être égales à celle du prophète d’Arès aujourd’hui face à la dureté du monde qu’il a à affronter tout en tenant compte des faiblesses et insuffisances de celles et ceux (dont je suis) qui ont accepté de le suivre comme naguère les esclaves sortis d’Égypte.

Pourquoi parler de “relancer cet exode aujourd’hui” me suis-je demandé ? Ne l’avions nous pas repris lorsque les assemblées de Pèlerins d’Arès sont peu à peu revenues vers leur fondateur et son appel à respiritualiser la mission après deux décennies de “mission sociale” desséchante et stérile (une époque qui coure des années 1990 à 2010 au cours de laquelle, nous Pèlerins d’Arès ne mentionnions plus ni Dieu ni la pénitence dans notre apostolat par crainte d’être taxé de “secte”) ? A l’évidence, non. Respiritualiser la mission et revenir vers le prophète était une nécessité impérative, incontournable. Un prérequis pour assumer notre rôle prophétique historique. Qu’est-ce qui caractérise donc vraiment cet Exode auquel le frère Michel nous appelle maintenant ai-je poursuivi ? Et à quoi cela nous engage t-il ? C’est en creusant ces questions que j’ai senti monter en moi ce glaive à deux tranchants. Le premier a aiguisé mon regard et tendu mon nerf. Le second m’a mis face à ma responsabilité et m’a rappelé ma peur du monde, latente en moi, mes insuffisances, mes faiblesses et tout ce qu’il va me falloir désormais changer et affronter pour enfin assumer cette tache interrompue il y a 3200 ans par les Hébreux qui suivirent Moïse et il y a une quarantaine d’années par les Pèlerins d’Arès que j’ai rejoint en 1991.

Le but que nous assigne Dieu est de changer le monde (Révélation d’Arès 28/7), le monde !
Parler de Dieu, d’amour, de paix, de pardon, de liberté absolue, de pénitence, de péché qu’il faut rejeter et dont il faut se libérer, de prière,… et leur redonner leur vrai sens créateur et dynamique nous échoit à nous Pèlerins d’Arès. Si nous ne le faisons pas, qui le fera à notre place ?

Mais notre mission ne s’arrête pas là. Elle doit viser à faire prévaloir en tous domaines dans ce monde ces amour, pardon, paix, liberté, pénitence,….dans leur sens créateur et dynamique, que nous prêchons. C’est là que les difficultés, et notre Exode, commencent à mon sens. Car les hommes dans leur immense majorité sont encore encalminés dans “l’esprit de la Loi”. Ils attendent la solution à leurs problèmes des Pouvoirs qui régentent, régulent, dressent lois, tribunaux, polices, armées…. Ils perçoivent notre discours, pourtant généreux et enthousiasmant, comme de bonnes intentions abstraites impraticables au quotidien. Ils peinent à en voir la portée concrète, active, transformatrice sur le plan sociétal. Et quand ils saisissent un peu de la lueur que nous leur apportons, ils sentent d’instinct ce que notre insurgeance apporte de bouleversements et ils prennent peur, se réfugient dans leurs certitudes et nous opposent dureté, hargne, voire agressivité pour nous faire taire.

La véritable adversité commence là. Exception faite de la campagne anti-secte qui, je le vois clairement maintenant, a été sciemment orchestrée à partir de la fin des années 80, pour enrayer le premier mouvement d’Exode initié par le prophète d’Arès – campagne qui a porté ses fruits contre nous puisque nous avons déserté -, jusqu’à présent le monde nous a opposé son silence et son mépris. A quelle adversité allons nous devoir faire face aujourd’hui que nous reprenons dans votre sillage la voie du prophétisme actif ? C’est placé devant cette perspective que j’ai senti remonter la peur en moi. Sauf que je ne suis plus le jeune homme idéaliste, inexpérimenté et candide des années 90. Aujourd’hui je me sens prêt à affronter et le monde et mes propres peur et langueur. Quelque chose en moi s’est déplacé. Je sens maintenant que ce que j’ai à perdre est bien moindre que ce que j’ai à gagner à vivre pour Dieu et embrasser la foulée du talon du prophète (Révélation d’Arès xxviii/28).

Entrer en exode signifie pour moi entrer dans le monde pour le changer. Quitter les falaises de mes propres certitudes pour descendre dans les réalités quotidiennes des hommes, les affronter et affronter avec amour l’adversité qui en découle. Et pour y parvenir pas d’autres choix que d’investir le monde dans tous les domaines pour peser de tout le poids de notre pénitence sur le cours des choses.

J’ai relu le texte Insurgeance cet été (texte écrit et publié par Michel Potay dans la revue annuelle Le Pèlerin d’Arès de 1990 qui définit le mode d’action sociétale des Pèlerins d’Arès dans leur travail de changement du monde. Le mot “insurgeance” fut forgé par lui pour se démarquer des mots “révolution”, “insurgents”… trop connotés par la violence). Édifiant ! Cet article s’ouvre par l’extrait de la Révélation d’Arès : La pieuse gente parle du Haut du Mont, (un passage qui justifie notre ancrage dans le spirituel pur) mais elle choit, le sein devant, le sein dur (comme) Mon Poing (qui) bat (la terre) ! (xlv/13-20). J’ai noté également dans mon carnet tous les passages de cette entrée 176 qui signent l’ouverture de notre mission au changement sociétal : “pénitence sociétale, citoyen-pénitent, part publique-part privée, insurgeance,…”. Ce texte est jalonné de termes qui nous invite à repenser à la fois notre action et la manière dont nous nous concevons et parlons au monde. Il renvoie directement à l’entrée 150 “politiser notre refus de la politique” que je me suis remis en tête et qui invitaient les Pèlerins d’Arès à entrer dans ce champs sociétal pour proposer au monde une autre façon de concevoir et de vivre les rapports humains en société sur le plan politique.

C’est à trouver les mots pour rendre notre message audible et perceptible par le commun, ancré dans le quotidien des hommes et leurs problèmes, sans se départir du fond, que je me sens appelé aujourd’hui. Et c’est ce que j’entends bien relayer désormais dans mes écrits et dans mes films.
Pendant des années le prophète nous a appelé à “faire des dossiers” (Paix, jeunesse, crise, agriculture, relations-médias,…) pour nous préparer à faire notre entrée dans le monde armé de la Lumière de la Parole d’Arès. Il nous a enjoint à combattre “l’infantilisme” (Le Pèlerin d’Arès annuel 1990) qui sévissait dans nos assemblées et qui paralysaient l’action et la réflexion en notre sein. Aujourd’hui que cet Exode reprend, je nous trouve certes revigorés spirituellement, mais nus et impréparés à la tâche. Quel précieux temps nous avons gâché alors que les premières secousses des bouleversements qui s’annoncent se font de plus en plus ressentir et que notre Appel n’a jamais été aussi urgent. Mais je ne cède pas au défaitisme. Je comprends que cet exode sera long et qu’il ne fait aujourd’hui que reprendre son cours. Le travail qui nous attend est immense. Ce n’est pas la Mer Rouge que Dieu ouvre devant nous, mais un chantier !

“Procède sans hâte” dit le Père à Arès. “La larve en se hâtant rejoint elle l’abeille ? Elle doit accomplir son temps” (Révélation d’Arès 24/2). Aurions-nous enfin accompli le temps de gestation nécessaire à la naissance de cette “conscience collective” indispensable pour envisager enfin une action en accord avec notre vocation prophétique ? Je l’ignore mais j’ai confiance dans le prophète que Dieu nous a envoyé, en son “oeil-oiseau” qui voit haut et loin, pour décider du moment et de la manière de nous conduire pour réarmer nos intelligences et nos cœurs de ces “courage, droiture et réflexion froide” dont parle son entrée et qu’il va nous falloir développer pour le suivre et accomplir, enfin!, le Dessein du Père de l’Univers, qui est de faire revenir sur terre le Bien pour toute l’Humanité.

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NB : j’inclus ici un extrait de la réponse de Michel Potay à cet article publié en commentaire sur son blog, qui complète ma pensée sur un point important : l’attitude générale des hommes face à la vérité. L’intégralité de sa réponse peut être consulté ICI (commentaire 176C111) :

“Vous dites, “les gens perçoivent notre discours, pourtant généreux et enthousiasmant, comme de bonnes intentions abstraites impraticables au quotidien. Ils peinent à en voir la portée concrète, active, transformatrice sur le plan sociétal.” Je ne crois pas que ce soit la situation. Je ne crois pas que  les gens qui nous écoutent soient aussi nombreux que ça à percevoir notre discours comme “abstrait et impraticable”, mais ils ressentent — parce que des millénaires de pouvoir et de loi au-dessus d’eux les a rendus passifs, donc paresseux d’instinct — que suivre la politique et la loi est beaucoup moins fatigant que la pénitence dont nous leur parlons. Autrement dit, les gens voient dans la politique et les loi un confort ! Pour autant que je parle autour de moi je trouve un nombre important de personnes qui considèrent comme excessive, voire inacceptable, l’accumulation des lois, des pouvoirs, des fonctionnaires de police, d’impôt, de justice, etc. et pourtant ils s’y soumettent. C’est donc bien que, malgré tout, ils préfèrent cet inacceptable à l’effort, très gros effort certes, de changer leurs vies eux-mêmes. Même chose pour la religion. La plupart des croyants ne cherchent pas le sens réel des Appels du Créateurs ; ils se soumettent flemmardement aux dictats des religions et des superstitions. On retrouve le même réflexe de paresse, de recherche de facilité ou commodité, chez les Hébreux une fois qu’ils sont dans le désert, quand ils protestent : “Ah, que nous étions bien en Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à volonté, alors que vous (Moïse et Aaron) vous nous avez entraînés dans le désert pour faire mourir de faim toute cette assemblée !” (Exode 16/3).”

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