L’Éternité

Pouvons nous seulement concevoir ce que pourrait être l’Eternité, en l’absence d’expérience de sa Nature propre, eu égard les réelles possibilités qui sont les nôtres pour l’approcher, à savoir le langage et la pensée, eux-mêmes issues de notre finitude mortelle ?

l’Éternité.
Une somme des moments de très haute intensité vécues dans l’Existence, instants brefs mais étalés, car forts d’une Présence qui les emporte hors du temps et les fait voyager, dans nos mémoires pour commencer. Mémoire, mémoire…

Certains poètes parviennent à élever leurs chants pour garder mémoire de hauts faits ou de hautes pensées, et alliant leur art à la vie de ces choses, forgent une parole ou forment un écrit qui traversent les âges, comme ceux d’Homère ou Virgile. Le propre des poètes n’est-il pas de dépasser les limites du langage par les voies du langage lui-même, pour exprimer l’inexprimable et rejoindre l’universel, l’immémoriel ? Faire passer le hors-langage pour ainsi dire ?

Se faire une âme (Rev. d’Arès 4/6) ou se faire âme, ne serait-ce pas, dans un processus similaire, chercher à se faire un hors-corps incorporel qui dépasse le corporel lui-même pour exprimer la Vie atemporelle qu’il contient potentiellement en lui, en empruntant les voies du corporel, mais dans le Temps pour finir ? Dire en conséquence que le corporel incorpore la possibilité de l’incorporel et peut même produire de l’incorporel, nous amène à considérer le Temps comme pouvant incorporer du Hors-temps et pouvant le faire sortir de lui-même.

Le faire sortir ou le rejoindre ? Ou bien encore, sortir pour le rejoindre ? Si Temps et Hors-temps sont deux mondes distincts, alors nous pouvons les concevoir l’un et l’autre comme vivant ensemble dans la dynamique précitée dans un Tout, lui-même à considérer au delà du Temps et du Hors-Temps, mu par cette circulation qui les comprend tous deux en son sein, sein, soit dit en passant, dont on ne sait quelle forme il ni à quel Corps plus vaste il appartient. Pouvoir tendre hypothétiquement l’horizon de sa possibilité est notre seul soutien.

Qu’est ce qui nous est vraiment extérieur et hors de nous même, et comment l’envisager en pensée, dès lors que notre pensée est produite par et pour notre propre finitude ? Notre Pensée, outil pour se dégager, structurée par le langage, incorporerait-elle en elle même, le non-pensable ou sa possibilité ? Il nous faut l’envisager. Que serait le non-pensable alors ? A moins de sortir du langage et de la Pensée elle-même. Pour entrer dans quoi pour solutionner le problème ? Vaste question qui tend l’arc de notre perception, que nous reprendrons en article de fond.

En attendant, ce poème d’Arthur pour voyager haut et méditer la question.

“Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.

Ame sentinelle,
Murmurons l’aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.

Des humains suffrages,
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.

Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s’exhale
Sans qu’on dise : enfin.

Là pas d’espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.

Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.”

L’Eternité
Arthur Rimbaud

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